Pour définir cette notion de yogathérapie, j'ai interviewé le docteur N.
Chandrasekaran, yogathérapeute de renom depuis de plus de 20 ans à
Chennai (Inde du Sud) et un des ambassadeurs de la yogathérapie en
France. Il forme actuellement plus de 80 professeurs de yoga français.
Il a accepté de nous faire partager sa vision de la yogathérapie.
Pouvons-nous considérer
la yogathérapie comme un système médical ?
Dr
N. C. : Non, la yogathérapie se fait en complément d’un traitement
médical, qu’il soit allopathique, ayurvédique, homéopathique etc., mais ce
n’est pas un système médical. En effet, le yoga n’est pas orienté vers la
guérison de maladies, il est tourné vers l’être humain. Il analyse l’individu
comme un tout et recommande une solution en cas de problème de santé. C’est
pourquoi la yogathérapie part du postulat fondamental que, même si la maladie
est la même, les individus souffrant de cette maladie sont différents : le
diabète est une maladie, mais tous les diabétiques ne sont pas pareils. Ceci
est fondamental : un yogathérapeute ne donnera jamais la même pratique à
deux élèves, même si ceux-ci souffrent des mêmes maux.
Sur quoi est basée la yogathérapie?
Dr N. C. : La yogathérapie est une branche du yoga sur lequel elle prend appui, mais elle n’est pas le yoga. Je vais prendre un exemple : si vous voulez devenir médecin, vous devez étudier l’anatomie, la physiologie, la psychologie, la pharmacologie, la microbiologie, etc. puis vous devez travailler auprès de patients. Alors seulement vous pouvez être médecin, la seule connaissance des médicaments n’étant pas suffisante. Le pharmacien a tout appris sur les médicaments, mais il ne peut pas les prescrire comme un médecin.
De
la même manière, un professeur de yoga n’est pas yogathérapeute. Pour devenir
yogathérapeute, il doit acquérir des connaissances précises sur l’anatomie, la
physiologie, la psychologie… selon le yoga. Il doit donc suivre une formation
spécifique. Si je suis professeur de yoga, que vous venez vers moi pour faire
du yoga et que vous me dites : « J’ai un problème de nuque ou j’ai un
problème de dos », je dois à ce moment-là vous proposer une séance de
yogathérapie, et non un cours de yoga.
Est-il indispensable
d’être professeur de yoga pour être yogathérapeute ?
Dr
N. C. : Oui, c’est indispensable. Mais il faut ensuite acquérir les
compétences spécifiques liées à la yogathérapie. C’est pourquoi, pour devenir
yogathérapeute, il faut se former.
Or,
j’ai la conviction profonde que la yogathérapie n’est pas correctement perçue
dans le monde. De ce fait, elle n’est pas correctement enseignée : il me
paraît fondamental de pouvoir observer des patients en situation, de partir de
l’individu pour comprendre et savoir comment agir en tant que yogathérapeute.
C’est pourquoi, dans mes formations, je fais venir des personnes atteintes de différentes
pathologies, auxquelles j’enseigne les techniques adaptées pour elles. Les
étudiants en formation travaillent ainsi sur des cas réels. Aujourd’hui, beaucoup
de personnes pensent que telle posture va être efficace pour telle pathologie,
que telle respiration va donner tel résultat etc. Mais c’est oublier une notion
fondamentale qui est l’individualité de chacun. Rien n’est standardisé dans la
yogathérapie, et c’est après une observation précise de l’élève que le
yogathérapeute va pouvoir proposer les outils adaptés. Pour l’hypertension, il
faut se relaxer, mais une relaxation pour vous sera différente d’une relaxation
pour moi. Je le répète, la yogathérapie est à 100 % individuelle.
Comment devenir un
bon yogathérapeute ?
Dr
N. C. : Ainsi que je l’ai déjà dit, il faut être professeur de yoga et
suivre une formation spécifique. Ensuite, il faut aller de plus en plus
profondément dans le yoga. Je compare souvent la yogathérapie au parfum d’une
fleur. Si la fleur du yoga est bonne, le parfum sera bon. Le professeur de yoga
doit pratiquer de plus en plus, être dans le yoga à chaque instant. Ainsi, il
sera capable de donner ce qui est nécessaire à son élève. En yogathérapie, il
faut inventer de nouvelles techniques. Il faut s’adapter à une personne en
particulier en utilisant tous les outils du yoga : postures, respirations,
visualisations, sons, chants, méditations etc.
La yogathérapie
est-elle adaptée à toutes les pathologies ?
Dr
N. C. : La yogathérapie peut traiter tous les types de maladies car, comme
je l’ai dit précédemment, elle intervient en complément d’un système médical.
Le yoga, lentement, va aller vers les causes du problème et, peu à peu, les
médicaments pourront être réduits. La yogathérapie ne touche pas seulement les
niveaux physique et physiologique, elle pénètre plus profondément dans
l’individu. Le yogathérapeute doit être précis dans son intervention : en
étant précis, il va aller jusqu’aux racines, jusqu’à la cause profonde de la
pathologie.
Vous avez créé un
institut à Chennai, comment fonctionne-t-il ?
Dr
N. C. : Les gens savent qu’un institut existe, qui peut les aider dans
leurs problèmes de santé. Ils viennent à nous pleins d’espoir. Nous les
examinons et leur enseignons les techniques adaptées à leur pathologie. S’ils
font leur pratique régulièrement, ils obtiennent d’excellents résultats.
Vous commencez à
connaître notre pays, pensez-vous qu’il est possible de fonctionner ainsi en
France ?
Dr
N. C. : Je forme près de 80 personnes à la yogathérapie en France et je
vois beaucoup d’intérêt pour cette transmission. Mais votre système de santé ne
reconnaît pas notre approche et je ne peux donc pas répondre à votre question. Tout
ce que je peux vous dire, c’est que la potentialité de la yogathérapie est
énorme. La yogathérapie n’est pas reconnue officiellement dans votre pays, mais
elle peut faire beaucoup pour aider les gens.
Quel message voulez vous faire passer auprès de nos
lecteurs ?
Dr
N. C. : Je terminerai en insistant sur un point essentiel dans la
transmission du yoga : celui de la relation. Il est indispensable que le yogathérapeute
soit compétent et possède les connaissances et la technique, mais cela n’est
pas suffisant : il doit aussi être capable de créer une bonne relation
avec son élève. La qualité de la relation, la confiance qui va s’instaurer seront
garants de l’efficacité de la yogathérapie.